12.28.2009

Le Mec Ghetto


Le Mec Ghetto doit son appellation du fait qu'il soit vraiment ghetto. Il ne s'agit pas seulement de porter de vieilles Reebok, se la jouer hype avec sa grosse doudoune Aigle ou Marlboro, ou d'écouter avec nostalgie sa première cassette d' MC Solaar. Nein. Et ce n'est pas que lié au fait de s'appeler Patrick, Pascal, Jacquy ou Hughes.

Le Mec Ghetto c'est du grand cru. C'est de la 8-6 tiède au réveil, après s'être rongé les doigts de pieds lui-même. Flexible, et tout en finesse. Entre une teuf gros son à Yvette-sur-garonne ou Bellette-au-Var, il se montre open-minded, te file un mouchoir si tu coules du nez, et snif une aspirine coupée à l'Ajax en route. Pour que ça cartonne !

Les goûts du Mec Ghetto sont variés : il aime se déplacer en BMX, ou en Opel tunée ma gueule, mais il préfère largement le fourgon parce que c'est comme ça qu'il peut essayer de pécho une go, ou qu'il peut la séquestrer à l'arrière en cas de refus. Et ils sont fréquents, les refus. N'empêche, ça fait faire des rencontres. Surtout après la 8-6 et l'Ajax.

Dans ses mauvais jours de solitude, le Mec Ghetto n'oublie certes pas d'appeler 47 fois ses amis, oncle Gilbert, cousin Bob, ou Jeannot le fréro ; et même que quand c'est jour de fête, il envoie des vidéos zoophiles porno en haute déf spécial édition pour tam-tam. La teuf, la teuf, la teuf les gars !

Le Mec Ghetto est profondément généreux. Pour la fête des Mères, bon fiston, il offre une bite en sucre à Moman ; et pour la fête des Pères, un gode-ceinture à Papa, de couleur chair, vous croyez quoi. Pour le remercier de sa gentillesse, les bombes de mousse de la dernière fête, la compil' remixée de la danse des canards, ou tout simplement pour être son amie, ou sa gonzesse, vous saurez désormais où le trouver :  soit il campe sous le périph' vers La Chapelle, soit il se terre au fond de son garage, où il s'entraîne comme une bête au lever de poids avec des pots de Malossol de ouf et une tenue ultra-moulante fluo. Qui rentre dans les fesses, derrière.


Parce que le Mec Ghetto est unique, on l'aime.
Parce qu'il est nauséabond dès qu'il nous tend le doigt, et qu'il ne cesse de nous harceler avec ses "Dis camion ! " quand il fait une après-midi barbe-au-cul, ou parce qu'on a eu la malchance de se retrouver à l'arrière du fourgon le jour de la fête des Pères...
On l'évite.



*Merci à Patrick Le Ghetto pour s'être prêté au doux jeu de la muse... 

12.08.2009

Le Chanteur de rock indé

Le Chanteur de rock indé est un homme comme les autres. Qu'on se le dise. Poils, cheveux, jambes, nez, tout y est, seulement il a une voix, et c'est ce qui fait toute sa différence.
Son origine est floue, on sait seulement qu'il ne naît pas dans le milieu qui deviendra le sien : quand on est le fils de Sting, on fait de la pop, quand on est Chanteur de rock indé, c'est qu'on est fils de banquier, ou qu'on vient de banlieue. Parce qu'au fond, le rock indé, c'est un ghetto comme un autre. Le Chanteur de rock indé aurait pû faire du rap, mais ça, on ose à peine se le murmurer dans les backstages d'une salle lilloise, bondée et en furie comme une bonne salle de province.

Le Chanteur de rock indé est un garçon sensible. Il compose mélancoliquement, quand il n'est pas en tournée. C'est d'ailleurs son "équilibre". Aussi, il souffre des clichés, et il clame en itw sa différence : non, il ne baise pas toutes ses fans. Oups, non, il-ne-baise-pas-ses-fans. Tout court. (Et pas en backstage, surtout. Car le Rockeur indé version 09 est plus snob que ses prédécesseurs, il n'aime pas les choses faciles et vulgaires.) Il sait résister. Parce que c'est un mec ancré dans la vie réelle, qu'il a une vie après la tournée, et qu'il aime les femmes qui le regardent pour autre chose que son aura de Chanteur de rock indé. Aura totalement envoutante, certes, mais lui, plus pragmatique, il aime qu'on le kiffe aussi pour son risotto, ou pour sa bite. Tout simplement.

Le Chanteur de rock indé se nourrit principalement de poulet, chaud comme froid, de bière, de whisky, et de couscous, dans les bons jours où la prod a gagné quelques ronds avec ses concerts ultra indés justement. Mais il ne faut pas se méprendre, il a son public ; d'ailleurs, il apprécie celui-ci lorsqu'il applaudit, sourit, danse, "pogotte".
Autant dire qu'il déteste jouer dans les salles parisiennes, surtout quand les gens ont plus de 18 ans. Pas pratique pour le pogo.
Enfin, le Chanteur de rock indé est aussi philosophe. On l'entend à ses paroles de chansons, et à ses sublimes déclarations : "La femme idéale du chanteur de rock indé, c'est son ex." Bien dit.

Une fois les tournées et les concerts finis, il rentre chez lui. Satisfait.
Pensif, il rote.
Amen, man.


*

11.14.2009

Le Jeune Papa Célibataire


Le Jeune Papa Célibataire, c'est tout un poème et toute une complication rien que dans le titre même. Le Jeune Papa Célibataire est tout à fait charmant. Il se rase de près, pour pas piquer. En plus, il sent bon le Bébé Cadum. Si. Les mains sont douces, les ongles propres, et ça c'est grâce à bébé, et à son célibat, et au fait qu'il soit donc obligé, le malheureux, de lui donner des bains et de lui talquer les fesses. Nous, on est pas contre qu'il talque les nôtres d'ailleurs. (La fessée en prime.)
Cependant il faut d'abord réussir à le capter, pour ça. Car le Jeune Papa Célibataire n'a pas la même semaine que tout le monde. Lui, il ira voir au ciné La-Haut, L'Âge de Glace 3, et tentera en vain de convaincre sa petite de 5 ans que nooooon, 2012, ça fait PAS peuuuur. Pauvre chou. Un week-end sur deux, on peut lui téléphoner par contre, car il reste coincé à la maison, une fois que les nouilles au ketchup et que la vidéo de La belle et le clochard a été revisionné pour la 1000ème fois. Téléphoner à ses potes, c'est tout ce qui lui reste à faire. Surtout qu'il a déjà relu le Wapiti.

On peut dire que le Jeune Papa Célibataire est bien plus responsable que les autres hommes de son âge. Paternité oblige. Il va à l'école. Et chez le médecin. Et chez le dentiste. Et il ne nique pas tout ce qui bouge, car s'il se tape la baby-sitter, il sait bien qu'il est dans la merde après. Il est donc conscient et responsable. Propre, il se change quatre fois par jour, écoeuré par les tâches de vomi, purée, lait. Un vrai modeux, quoi. Puis c'est craquant de le voir patient et calme et doux et parfois sévère-sourcils-froncés avec un bout de chou qui le mène gaiement par le bout du nez. On s'imagine easy faire la même.

Enfin, le Jeune Papa Célibataire présente donc bien des qualités pour être dans le top-cinq des meilleurs mecs de la semaine. Il prouve quotidiennement son aptitude à se débrouiller seul, et ses capacités.

Il est même très fertile.

Et c'est un peu ça le problème.


*

10.26.2009

Le Super Pote de notre mec

Il y a plusieurs Supers Potes de notre mec, mais cette semaine il ne s'agit pas de l'homo refoulé jaloux pernicieux possessif et mesquin qui partage les soirées playstation de notre mec, mais bien de l'autre Super Pote de notre mec. Celui qui est super beau, super sympa, super intelligent.
On aime partir en week-end avec le Super Pote de notre mec, on sait qu'il le tempèrera, nous protègera, et aidera à débarrasser la table et faire la vaisselle. On aime voir des expos avec le Super Pote de notre mec, parce qu'il a de la culture, est sensible, intelligent, et patient avec nous. Il écoute toujours notre opinion, lui.
Le Super Pote de notre mec est évidemment célibataire, sinon on ne pourrait pas autant fantasmer sur lui, et ce serait nul. Même que les soirées où l'on est tous très bourrés, on lui fait les yeux doux, on l'imagine moins super qu'il n'est nous coincer entre deux portes pour nous rouler une méga pelle culpabilisatrice et dévastatrice. Même qu'on croit qu'on lui plait un peu. Un peu.

Le Super Pote de notre mec a une vie mystérieuse et parallèle. Il arrive donc qu'on ne l'ait pas rencontré durant les premiers mois de notre belle amourette naissante. Et c'est ainsi que tout se complique : parfois, il arrive qu'après présentations et réflexion, on préfère le Super Pote de notre mec à notre mec. Qu'on soit totalement dégoûtée de notre premier choix (qu'on reconnait quelque peu hâtif), ayant conscience que le Super Pote de notre mec n'est pas le genre à griller une amitié pour une paire de nichons, et que c'est justement pour ça qu'on le trouve archi super le Super Pote de notre mec.

Alors que faire ?
1- Oublier. Et fantasmer les vingts prochaines années de votre vie, avec les boules en plus quand il ramènera sa Super Nana en week-end.
2- Récolter des dossiers sur lui par votre mec (et cesser de croire par la même occasion qu'il ne sert à rien, votre mec...) : "Mon Super Pote galère avec les filles car il a un micropénis." Ca peut vraiment marcher.
3-Prévenir ce genre de situation. Tapez-vous la bande de Supers Potes AVANT de faire votre choix définitif.

Pas bête la guêpe.



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Celui qui n'a qu'un seul casque


Tout le monde sait que rien n’est plus pratique que d’avoir un scooter en ville. L’idée n’est pas de faire l’éloge de la Vespa, mais force est d’admettre que c’est bien plus pratique et bien plus glam’ que le métro. Les moins véhiculées savent de quoi il est question ici : nos fesses ont connu certes maints amants, mais aussi maints sièges de scooter. Du Peugeot à l’Italien, même au Chinois en plastique ghetto, on en a réchauffé des selles de cuir. Ce qu’on apprécie vraiment, avec un véhicule, c’est le fait qu’on ne se pose pas mille ans la question : on y va ? et nous voici à l’arrière, vite-fait bien fait, pour une nuit qui promet encore d’autres aventures.

Sauf pour Celui qui n’a qu’un seul casque (on peut entendre les “booooooooouuuh” qui retentissent dans la salle). Oui, lui c’est autre chose. Il vous drague comme si, vous parle comme si, il a l’air d’un mec bien dans ses basques et d’un garçon tout à fait normal. Sauf qu’en vrai, c’est faux, il est bon pour une psychanalyse, ou une séance de sexologie. Bah, oui, c’est quoi son problème, à Celui qui n’a qu’un seul casque ? Il aime dormir seul ? Laisser une fille sur sa faim ? Il a des actions chez Taxi Bleu ?


Certains se défendent, nous parle de matos à porter, de "pas pratique", casques sac-à-main qui lassent, à force. Surtout, qu’ils disent, qu’ils sont pas sûrs de rentrer avec quelqu’un, finalement. Ouh le mauvais esprit, la bassesse. C’est une question d’hygiène : on se torche le cul quand même, on ramène un deuxième casque quand même.
Militez Mesdemoiselles : n’acceptez pas de faire la greluche à emporter qui suit le piteux chevalier derrière, en taxi.
Non mais.



*

Le Rockeur à sa Maman

Ne pas confondre Rockeur à sa Maman et Bébé Rockeur. Le Bébé Rockeur, nous en reparlerons, mais la différence essentielle qu’il y a entre le Bébé Rockeur et le Rockeur à sa Maman, c’est que le Bébé Rockeur est bourré de talent, nous met en transe à chaque chanson, et si on le croise à Rock en Seine, on entre en chaleur. Tandis que le Rockeur à sa Maman, on est un peu en chaleur au début, peut-être, parce qu’il a une jolie moustache façon rock indé qui s’assume, et que ses cheveux sentent le Fructis. Mais l’émoi de la culotte ne dure pas, lorsque l’on passe la porte de chez lui, et qu’il nous fait “Chut, y’a papa et maman qui dorment.” C’est moins la trash attitude, du coup, et on n’a pas un super cd vers lequel appuyer notre espoir. Pareil pour sa moto, sa bagnole américaine, ou sa mob : fallait pas nous la prêter, certes, mais fallait pas non plus pousser un cri hystérique de fillette à la moindre rayure. On y va à 200, ou on n’y va pas.


Au début, on s’était dit qu’il portait des culottes, et des bottes de motos, un blouson de cuir noir avec un aigle sur le dos, or sous les clous y’a que la culotte qui est restée, petit homme prêt à se faire border, se laisser chouchouter sur une chanson douce… Rockeur du dimanche, larmoyant du lundi.
N’empêche, il a presque la panoplie complète; manque l’instrument de musique, consécration rock du Rockeur à sa Maman (patience, il débute l’harmonica). Et un vrai chez-soi (Maman pourra venir faire les machines…). Et une go qui envoie. Oui, la gonzesse du Rockeur à sa Maman, il lui faudrait un G majuscule déjà, et pas moyen qu’elle soit trashos, avec des traces de piercing dégueu aux narines, du poil aux gambettes et des fringues ring’. Il lui faut habiter Rive Gauche (Allez savoir pourquoi, ces filles-là dégagent une classe innée, hein. Et elles ont toujours les cheveux propres.), et qu’elle n’oublie pas ses règles de politesse. Sous aucun prétexte, même sous acide. Enfin, s’habiller The Kooples, c’est gagner une promesse de dimanche en famille.

Parce que c’est ça le nouveau rock, pense le Rockeur à sa Maman. Une douceur de vivre, un chic, une “touch”, une atmosphère…
Et quand il balance de part et d’autre sa crinière odorante, on a envie de murmurer :
“Oh Yeah.”



10.23.2009

Celui qui dit "Steuplait"

Autant le dire tout de go: le mec qui dit “steuplait” est détestable. Franchement. Il n’a aucune conscience d’aucuns codes, ni d’aucunes valeurs. C’est à croire qu’on lui a pas enseigné le respect à l’école, ou le goût du risque. Disait-il déjà “steuplait” à tout bout de champ à six ans? “Steuplait, montre-moi ta culotte”, plutôt qu’un bon geste bien placé pour soulever une frivole jupe? Peut-être se croit-il poli. En fait, il est minable. Parce qu’il est une politesse plus subtile que celle de la formule, du Steuplait débile : celle de l’envie. Tout simplement.

Mais le “Steuplait, fais-moi une pipe”, vraiment, c’est hallucinant que fin 2009 des mecs la tentent encore. Il faudrait les pendre sur la place publique, et placarder des affiches: non, c’est non. Un Steuplait équivaut à une gifle. Deux Steuplait, et le mec est la pire tête à claques. Au troisième, ignorons-le de front, et partons d’un pas déterminé. Non sans un bon revers.
Les formules de politesse en général sont vexantes. Surtout entre amants. Ou amis. Les relations
humaines sont faites de faveurs. Pas besoin d’un Steuplait pour coucher, ni d’un “merci” au matin. Les mecs qui disent “steuplait”, et ceux qui disent “merci” sont-ils les mêmes?
Celui qui dit Steuplait est peut-être plus foutu. Comme s’il avait le cancer en phase terminal. Un homme qui insiste est aussi sexy qu’un cafard. Mais il y a pire. Si, c’est possible.
Il y a celui qui après d’incessants “steuplait”, dit : - Allez. Lascivement. “Allez”, c’est le steuplait de la dernière chance. Alors que dès le premier “steuplait”, c’est pourtant sans appel :  OUT.


Le Stagiaire Hors-Norme

Cette semaine, il faut être très chanceux pour le rencontrer, le Stagiaire Hors-Norme, surtout en Août à Paris. C’est qu’il s’est déjà fait la malle, le petit malin. Entre la route 66 et les squats de Berlin, on ne le reconnaît presque plus. Pourtant, on s’en souvient encore, de l’époque où il se dévouait pour un stage à peine rémunéré dans une boîte fantôme, lui-même à moitié errant dans les locaux. On dit à peine rémunéré, car parfois, on lui payait un Coca, lorsque sa gueule de bois de la veille l’empêchait de faire son travail : cliquer sur sa souris, et surfer sur Myspace.


En plus d’être conciliant, donc, et charmant, le Stagiaire Hors-Norme est polyvalent : la journée c’est le plus souriant, le plus doux, le plus serviable (sauf qu’il ne fait ni la vaisselle, ni le café, ce rebelle), et la nuit, c’est le plus branché, le plus musicien du dimanche, le plus in.
Le Stagiaire Hors-Norme est en effet surprenant : à peine sorti de son école de commerce, il porte déjà du fluo, la moustache à la Michel Blanc (20 ans de retard, ou 10 d’avance?), des futals violets, et pense sincèrement que les filles, en 2009, “elles sont pas sérieuses.” Il voudrait faire des ballades à vélo en fin d’après-midi, pas que coucher. Si. Mignon, hein…

Ce Stagiaire-là, vous l’avez compris, c’est toute une tendance: il peut s’appeler Paul-Henri, il n’en ouvrira pas moins sa bière avec les dents. Il n’a pas fait l’armée, mais la fermeture du Social, maintes fois, et c’est presque pareil, surtout le mardi soir. Plus galant que votre grand-père, aussi naïf que votre petite soeur, le Stagiaire Hors-Norme est comme l’eau qui dort. Attention à lui : il ne se refuse rien, pas même la femme du patron, et à force d’être celui qui vous tient la porte, celui qui vous sourit, celui qui vous écoute, celui qui vous fait des petites blagues, il pourrait bientôt être celui qui vous pécho. Oui, car malgré tout, il a une bestiole dans le pantalon, comme tout le monde.
Méfions-nous alors. Parce que le genre Stagiaire Hors-Norme, gentil, doux, docile, celui qui ne paie pas de mine, ça vous rappelle rien?

O.B.A.M.A.
Yes, le Stagiaire Hors-Norme peut nous faire craquer, et devenir un jour peut-être le maître du monde.

He can.






7.27.2009

Le Berger

L'été, il faut parfois des alternatives à la plage en famille. Ou en couple. C'est pour ça qu'on adore les excursions. Si avant on trouvait que ça faisait beauf, les rando avec les chaussures horribles compensées, les gourdes, et les casquettes, désormais on admet la part d'exotisme et d'aventure de ces plans-là.
Alors on est équipé, et l'on monte les chemins escarpés des hauteurs de la Corse, à dos d'âne, ou de mule, prêts pour la rando, étincelants de crème. Et on l'aperçoit.
Le Berger des montagnes corses. Peut-être le dernier berger, un peu comme le dernier des Mohicans. Beau à tomber de son mulet, jeune, peut-être trop pour ne pas rougir de culpabilité à l'idée d'une culbute dans les foins, bronzé tel un caramel à croquer, il a un air de doux Jésus avec sa petite barbe blonde qui lui frise à peine les joues creuses, et avec ses courtes boucles dorées, qu'on lui donnerait le bon dieu sans confession, à cet ange des hauteurs.
Surtout sans confession, d'ailleurs.
Il monte à cheval comme un guerrier de l'empire du Soleil. Et malgré sa jeunesse, on sent bien dans ses mains, ses poignets, et à la façon dont il prend la corde, que c'est lui qui tient les rênes. Et pas de main morte.

Quand il sourit, bien que ce soit rare -le Berger de notre excursion en a vu d'autres (puis il monte une bête indomptable qui demande toute sa sérieuse attention)-, ses dents blanches et brillantes, qui contrastent tant avec sa peau, nous font penser à une petite tome de brebis toute fraîche qu'on a envie de manger...

Ce qu'il est nature, notre Berger.
À ses côtés, ça sent la garrigue et le maquis, ses vêtements de jean rêche poussiéreux frottent tel le vent, son accent est plein de soleil, mais surtout, surtout, on sait bien qu'avec lui c'est l'aventure. La vraie, quoi.
On peut se sentir en sécurité avec lui. N'importe où.
Sur une île déserte, par exemple.
Ou au bout des cimes des montagnes.
Ou même à dos d'âne, alors qu'on n'en a jamais fait.
On sent sur nous, et sur notre monture, postérieur reculé et dos courbé pour la descente, son doux regard vigilant, tandis qu'il crie "Hue ! Ha Hue !". Sexy.

Quel homme. On est subjugué. Alors on se risque...On demande quel âge a-t-il, ce démon de midi.

"Dix-sept ans."

Aïe. Attention la chute, et les ronces.

"Madame."

Étrange chose, que de se sentir vieux loup dans la bergerie.




7.26.2009

Le flirt de vacances

Sujet classique de l'été. Mais franchement, quelle tristesse de ne pas l'avoir connu au moins une fois, le fameux flirt de vacances. Cet homme-là, c'est tout un concept : on ne dit même plus mec, mais on l'appelle par son nom générique. Flirt. "Le flirt de mon été."
Le flirt de vacances, ce n'est évidemment pas n'importe quel flirt qu'on se permet dans les lieux sombres de nos cités. Le flirt de vacances, comme son nom l'indique, se passe non seulement en période d'absurde liberté, mais aussi il dépend grandement de la destination desdites vacances, justement. Vous risquez d'être déçues, ladies, si vous partez dans la Creuse. Quoique ça peut avoir du bon: soit vous choisissez de n'être que la fille urbaine de passage à Calvi, ou préférez être la bombe du village des environs de Clermont. Au choix. Mon conseil : optimisez, passez par les Vosges avant d'atterrir sur l'île de Beauté.

Mais enfin, si vous aimez les peaux bronzées, et les motos, soyez touriste vers le Sud; si vous aimez les accents veloutés et les poils, risquez l'Italie. Puis, si vous n'avez peur de rien, filez en Asie, en Amérique Latine, ou que sais-je. Car si vraiment vous n'y comprenez rien, n'oubliez pas que les étrangers se retrouvent toujours quelque part, et qu'on peut aisément se taper un mec de La Rochelle à Katmandou. L'avantage des sursauts communautaires.
Cependant, pourquoi un tel acharnement à le choisir, le localiser, et le coincer, le Flirt de vacances?
Parce que c'est que du bon. C'est peut-être le meilleur de tous, ce mec-là. On n'hésite pas une seconde à coucher avec lui - on ne connaît personne en commun. On se fiche des rumeurs qu'on sème sur les chemins qu'on grille en scooter - on ne compte pas revenir. Et enfin, cette courte parenthèse ne connaît pas l'échec: pas de discordances (on ne parle pas, on se roule des pelles), pas de belle-famille à redouter, pas de fossés socio-culturels: on se contrefout de sa culture, son école, ses fringues... On le préfère à poil, silencieux, bien gaulé, et sympa.
N'allez pas croire cependant que le flirt de vacances est un homme-objet. Loin de là. Nous le considérons, bien sûr. Et s'il est profondément gentil, c'est encore mieux. On peut vraiment se laisser aller au stupre et à la fornication dans ses doux bras protecteurs. Il pourra même nous présenter ses copains, et nous faire le café le matin.

Mais c'est là le hic: si nous sommes des citadines désabusées, nous ne sommes jamais vraiment à l'abri d'un flirt de vacances qui s'attache. Oui. Car il peut avoir des sentiments.
Faites non seulement très attention, mais tenez un calendrier serré. Posez-lui un lapin, prouvez lui que vous n'êtes pas parfaite. Esquissez prudemment un sourire lorsqu'il vous avoue que vous lui manquerez. Baillez, s'il insiste.

Puis filez à l'aéroport, la tête et le corps emplis de suaves souvenirs.
Le sac plein de grains de sable.
Le répertoire content d'un nouveau numéro.

Qui sait, vous y reviendrez peut-être un jour, à Pétaouchnok-les-Prunes.



*

6.12.2009

Le Flippé


Quel don, mais quel don!
Le Flippé est capable d'opérer des retournements de situation sans précédent, et de virevolter comme un petit cabri. Charmant.
Avant lui, l'idée, c'est qu'on se croyait normale: en mode pas de régime taliban. Après lui, on se sent plus que terroriste, et pour cause: le Flippé, bien malgré lui, se fout bien de notre gueule, et nous la démonte à coup de revers. On se croyait saine et suave; désormais, on se sent furie furieuse croqueuse d'hommes, affamée d'amour et dévoreuse d'amants.
C'est là le truc du Flippé: ne pas admettre. Jamais il ne dira "j'ai peur". Vous avez déjà entendu un homme dire "j'ai peur"? Non. L'homme, et plus particulièrement le Flippé, n'avoue jamais cela, ce serait trop simple. Adepte des périphrases mensongères, il opte plutôt pour: Je n'ai pas envie de couple, tout ceci va trop vite, je ne sais pas ce que je veux, tu es fabuleuse, laisse-moi, je ne te mérite pas, peut-être que je te fais perdre ton temps. Alors que c'est tellement plus facile de dire j'ai peur, puis ça met les points sur les i et les pendules à l'heure. Et c'est pas plus mal de savoir que sous ses allures de grand homme, au gros zizi, c'est tout petit et tout mou à l'intérieur. Le Flippé est expert au revers, donc, et procède en deux mouvements bien distincts que l'on subit coup sur coup:

-face A de la médaille: l'Amour naissant. On essaie d'y aller en douceur, mais bien vite on passe 6 nuits sur 7 ensemble, parce que c'est trop bon, et que la vie est trop courte pour s'embêter avec des puérilités : autant s'appeler sans arrières-pensées, jouir à gorges déployées, et manger à sa faim. Car on a tant de choses en commun; c'est comme si on s'était attendu longtemps l'un l'autre. Évidemment on en profite... Au premier abord, on ne sait pas que le Flippé est flippé justement: on voit juste quelqu'un de beau, drôle, intelligent, charmeur, l'idéal masculin qu'on crève d'envie de présenter aux copains, le gendre idéal, le papa sympa.

Le revers, le smash fatal, c'est la face B: le Bad. Alors qu'on ose enfin lui répondre quelques timides "moi aussi" à ses micro-déclarations, parce que l'on voit qu'il insiste, et qu'il a tout l'air sincère, et que c'est trop bien entre nous, et que ça faisait si longtemps, et que j'adore ton corps, et que l'été est sans nuage à tes côtés, l'on baisse la garde et l'on se crame: moi aussi. Oui, tout simplement un "moi aussi".
Et là, c'est le drame. Ou le répondeur. Ou le lapin. Ou le rush, le boulot, les amis, l'ex, le chien, le mauvais matin, le verre de trop... Bref, le mauvais moment. Celui auquel on ne s'attendait pas, alors que justement, de toute évidence, ce n'est pas le sien, ou le nôtre, de moment. Il faut le comprendre: il n'est pas prêt. (Enfin, il a peur.)
On fait quoi alors? On cherche midi à quatorze heures? On rêve encore de la face/phase A?

Be kind, rewind.

6.06.2009

L'Amoureux (qui revient de loin)

C'est comme l'Ex: il y a des amoureux en tout genre. Cette semaine, notre mec fétiche est un Amoureux pas comme les autres: il revient de loin. On n'y croyait plus. Avec sa barbe jamais bien rasée, ses vieux tee-shirts hors mode, hors norme, son refus du scooter et des dîners galants, on sentait bien que c'était un vieux loup solitaire. C'en était presque touchant, sa différence assumée, son coeur écorché, son dégoût de la tendresse, sa douce misogynie avouée, ses "va te faire foutre" aboyés sans scrupules aux pucelles. Bref, on le croyait perdu à jamais dans ses demis, surfant à la surface des zincs et des corps des jeunes filles, désintéressé des bassesses de notre pauvre monde.
Puis un jour, notre bon vieux pote au visage gris se rosifie. Oui. On sent qu'il devient tendre. Il nous fait une bise enjouée; il rit facile; il sent bon. Faut se méfier. Il est en phase d'amour. Il tombe amoureux. Il est dans les illusions de la chute, c'est-à-dire qu'il plane, qu'il croit voler, alors qu'il est juste en train de tomber, et qu'il se rend pas compte que les oiseaux qu'il entend chanter autour de lui depuis une semaine de sexe sale et intense, ce sont les mêmes qu'il verra quand il se sera ramassé sur le sol; les mêmes qui tourneront autour de lui, en un tapageur tournis.
Mais pour l'instant, on n'y est pas. Les oiseaux chantent tandis qu'ils prennent des douches ensembles, et qu'ils restent enfermées 72h à s'embrasser, nos tourtereaux. Alors notre rocker des quartiers populaires se transcende, prépare des pique-niques, fait les courses, nettoie son appart', loue un vélib', change de pull, ne donne plus de nouvelles, et va prendre le soleil à Vincennes; mais surtout, l'Amoureux garde le sourire. Sans angoisse, tranquille, sûr de lui, tandis qu'il fait toutes ces choses folles.
Il a donc changé. Il est louche. Car l'Amoureux qui revient de loin se sent élu: s'il peut éprouver cela, c'est que tout est possible. Yes, he can.
On ne peut que l'encourager. Parce que c'est beau, les amours débutantes. Ne soyons pas cyniques avec l'Amoureux, même si rien ne le touche (puisqu'il plane dans un nirvana de gentillesse, de mamours et de sensualité). Ainsi, ne soyons pas non plus mauvaises langues: pas besoin de lui préciser le fond de nos pensées, et de lui dire méchamment qu'aimer en été, c'est surfait, cliché, et que l'important, ce n'est pas la chute, mais l'atterrissage.

Cui-cui.

5.21.2009

Le Poilu

Cette semaine, nous n'allons évidemment pas nous éterniser sur nos braves soldats de la Grande Guerre. Il fait beau désormais en ce capricieux mois de mai, alors restons positifs. Le Poilu se remarque particulièrement à l'apparition des beaux jours: le col roulé n'intervient plus en sa faveur, et les légers cotons trahissent sa pilosité. Comme un effet surprenant d'illusion optique, le tissu semble flotter le long de son torse, caressant l'épiderme avec deux centimètres de marge. L'histoire qu'on a avec un Poilu, c'est un peu la même qu'avec la sodomie: à 15 ans on dit toutes beurk, à 30 on y est toutes passées. Car le Poilu est un homme pas comme les autres: camper dans l'ingratitude jusqu'à ce que meuf s'ensuive, il ne réveille véritablement son potentiel sexuel qu'après un certain âge ingrat. Le Poilu est donc une vraie bombe à retardement: une fois tous les poils sortis, attestant la jungle charnelle éprouvante, il est enfin temps d'en finir avec l'inquiétude de la pousse et de commencer à pleinement assumer. Restons prudentes cependant: ils restent sensibles. Ne les attaquez pas à coup de bande de cire froide, même s'ils en ont pleins le dos. D'ailleurs, la plupart n'ont rien d'un bronzé en terrasse à la blouse ouverte, au teint méditerranéen. Non. Farouches, ils sont palots, en chemise fermement boutonnée presque jusqu'au menton, espérant ainsi soit duper, soit dresser, les petits poils maudits.
On ne peut pas taire leur animalité. D'ailleurs, on ne se lasse pas de ressasser leurs tendres surnoms: loup, ours, gorille ou Shubaka pour les friands de référence pointue, le Poilu est donc obligé de refréner son instinct bestial pour créer un charmant décalage. On aime le Poilu quand il se fait timide, doux, discret sous la couche de poils.
Car il y a un grand romantisme dans le Poilu. Non seulement il est suave, mais s'il est du genre petite bestiole inaccessible qui s'échappe le matin, on peut retrouver nonchalamment des traces de lui, à défaut qu'elles soient dans notre boite vocale, dans notre lit. Ça fait femme actuelle, les longs poils noirs qui traînent au lit. Et collé sur la joue au réveil, ça fait comme un cil pour qu'on fasse des voeux. Un peu. Non?

5.12.2009

Le Lover

Il faut y aller en douceur. Le Lover, à peine entré dans la pièce, se fait préceder par une petite chanson. Vous devinez? La Ritournelle, de Tellier. Évidemment. La classe américaine, un peu. Vous croyiez quoi? Le Lover n'a pas peur du cliché, et il aime les mélodies douces, de Cat Power à Thom York, puis le Sud bleuté de la France, les après-midi de brumes et de pluies, et les boucles blondes négligées sur les fines nuques. Il aime aller au musée avec les filles, surtout au printemps quand elles portent de légères robes à pois, qui rivalisent de fraîcheur devant un Renoir. Il aime l'Art romantique, Goethe, et la photographie, aspirant à une insoumise liberté, tel un dandy. Quand il n'est pas coincé aux dîners de famille du dimanche midi, à l'Ouest de Paris. Mais ce n'est qu'un détail, car cet homme-là, il vous aimera sur un voilier, les mouettes chantant son amour aux alentours, les yeux dans le vent, la peau dorée, l'avenir prometteur. Aussi, il nage le crawl au ralenti. Est beau même avec un masque et un tuba. Skie avec élégance, et commande des plats légers et originaux au restaurant.
Enfin, il vous fera de beaux enfants, pleins de bleu soleil et de rires. Il aura la chemise entrouverte, le cheveux brillant et le sourire avenant, prêt à vous ouvrir ses doux bras, vous laissant aller sur ses larges épaules, solides rien que pour vous.
Il est heureusement un peu coquin. Mais avec élégance et érotisme de pacha: il aime les chevilles qui tiennent entre le pouce et l'index, les bas, les lingeries transparentes et sombres, et les râles rauques qui le rassurent au creux de son oreille. Il ne fait pas l'amour comme une brute, lui: il est puissant.
Il se fiancera, bien sûr. Le lover aime les vieux rituels; il n'a rien contre les noms composés d'ailleurs. Ainsi, soyez douce et sobre et de bonne famille pour le séduire. On n'est pas contre l'exotisme cependant, s'il est totalement assumé: mieux vaut un vrai dépaysement. C'est comme un voyage, des vacances, on préfère ça à un absurde mélange hybride type cocktail. Il aime les choses de qualité, n'oubliez pas. Soyez de qualité. Souriez légèrement, restez polie, buvez peu, manucurez vous les ongles.
Et soyez gentille avec Belle-Maman.


5.09.2009

Le Maladroit

Ça aide bien, la maladresse. Le Maladroit en profite donc. C'est le biais parfait qui évite de dire les grands mots. Il vous bouscule pour entrer dans le bar: il n'est pas goujat, mais maladroit. Ainsi, il quitte par sms, se fait rembourser un café, déclame son amour par chat, recouche avec son ex, ne ferme pas sa braguette, éjacule en trente secondes, et fait des fautes d'orthographe partout... C'est qu'il est ma-la-droit. Ce qui évite habilement de dire, au final: malheureux, rat, con, misérable, malotru, salaud.
Mais qui dit maladroit ne dit pas malhabile pour autant. Il ne fait jamais tomber son verre de bière, par exemple; il y tient bien trop pour cela. Et s'il se pardonne ses remarques hautement déplacées, il se souvient cependant en détail les réflexions qu'on a pu lui faire, à lui, par inadvertance. N'est pas bon maladroit qui veut.
Aussi, maladroitement, il ne se prive pas pour foutre la merde. Il balance qu'il a vu l'ex avec une putain de blonde. Oups. Qu'en vrai, la fille à qui tu parles, elle t'aime pas. Oups. Que t'as pas l'air bien en ce moment, alors que t'as un grand sourire et les yeux qui brillent. Oups. Que ses potes te trouvent moche... L'oups de trop. N'oublions pas qu'il ne dit jamais ce genre de choses pour vexer, ou faire réagir. Pas du tout. Élégant comme un éléphant, fin comme un serpent, et gentil comme une hyène, il ne souhaite que du bon à tout le monde. Et si 95% des fois ça ne marche pas, et qu'on a envie de lui foutre des baffes, tandis qu'il évite soigneusement de relever les yeux, c'est à cause de sa fichue maladresse. Il n'a donc pas à s'en excuser, puisque ce n'est pas de sa faute. Il ignore qu'entre sa maladresse et sa langue de pute, il n'y a qu'un lapsus.
Évidemment.
Non, ne pensez pas vengeance. Ou provocation. C'est mal.
Mais, maladroitement, vous pouvez lui cracher dessus, tiens. Ou éviter son appel. Ou bailler en lui parlant.

Maladroitement.

Le Classique

C'est comme pour l'hamburger. Et si tout n'était que de pénibles alternatives, vers lesquelles on se tourne, vainement? On sait pertinemment que le vrai, le mieux, le bon, c'est le Classique. Exit le bacon, et les faux-semblants, nous n'y échappons pas. Le mec classique est là partout, tout le temps et l'on fait semblant de l'ignorer. Alors que c'est la référence, dans le fond. Regardez les magazines: ils ne font que nous aider à nous en remettre, et le combattre, et le comprendre. Le mec classique, c'est celui qui dit "merci", le matin, après l'amour. Par exemple. Mais c'est aussi celui qui résiste à vous présenter à ses parents; c'est celui, encore, qui aime trop le foot et préfère passer des soirées avec ses copains, plutôt qu'avec vous. Celui qui tarde à vous emmenez en week-end, et regarde au restaurant par dessus votre épaule, pour mieux mater la petite serveuse. Ainsi, ce que l'on nous projette semble n'être que de piètres résolutions, ou d'implicites mots d'ordre, que l'on se file en secret pour savoir comment le gérer, ce mec-là. Si le ELLE titre tristement, à l'instar de toutes les autres revues, tous les ans, le spécial maigrir du printemps, c'est parce que le Classique ne manquera pas de vous pincer (il est taquin, de surcroît) les poignées d'amour, puis de vous faire les gros yeux qui culpabilisent face à votre fondant au chocolat.

C'est grâce à lui en revanche que l'on sait qu'il faut attendre les fameux trois jours avant d'espérer un coup de fil de sa part, ou que l'on pense que c'est gagné au bout de deux nuits de suite. C'est pour lui donc, tous ces stratagèmes inavouables, les feintes téléphoniques, et nos hauts talons.
Le monde tourne autour de lui, finalement. Cependant il faut admettre que ce serait un grand pas pour l'humanité s'il se faisait oublier un peu, se grattait les couilles moins en évidence le matin, et n'était pas aussi lourd bourré.
Mais, dès lors, de quoi parleraient nos magazines?
Merci, lui.

4.27.2009

L'Artiste bohême

Ce n'est pas être raciste que de dire que le mec de la semaine, l'artiste bohème, est juif ashkénaze, aux yeux clairs et à l'âme torturée, ou encore Perse oublié, ou Arménien rescapé. Il revient de loin, se cherchant depuis un passé sans commencement. L'artiste bohème a une histoire de famille dense, et touche à tout: les femmes, et la guitare, et le piano. Puis il est très cultivé. Et il le sait.
Si l'on en croit le syndrome BHL, sa culture ne l'empêche pas d'apprécier des petites connes: pourquoi pas en levrette dans l'atelier de peinture à l'huile. Quand il est de passage à Paris. Car il a fini les Beaux-Arts, revient de Pologne, part quelques mois à Berlin, renoue avec le Yiddish, ou apprend le russe, Dostoïevski oblige.
C'est fou comme il ressemble à l'image que l'on a de lui: l'artiste bohème habite vers Montmartre, juste en dessous, là où étaient les nègres de jazz et tous les clubs, ne range pas son appartement, ne s'en complexe pas (son bordel, c'est lui, au naturel), a de la barbe (un peu), des vinyles partout, des cassettes vidéo (oui!) et quelques dvd. S'il parle d'Hitchcock, ce n'est pas de ses films, mais de ses entretiens, d'Hitchcock par Hitchcock, et il peut bien sûr le citer mot pour mot.
Il est trop fort. Il peut caser en une pirouette discursive, tel un miracle, le top five des écrivains, non pas de cette rentrée littéraire, mais de ce siècle. Si. Même s'il en est resté au XXè, évidemment.
Au fil de ses mots, le risque est de rougir, et si vous vous croyez malins parce que vous avez lu le premier Zola, ou fier d'avoir décider de lire enfin toute La Recherche, l'illusion s'efface doucement lorsqu'il enchaîne gentiment, pourquoi pas? sur Gombrovicz... (Qui est dans son top 5, et qui est, avec Michaux, l'"un des furieux". Ceci est son avis personnel.) Ignorants que nous sommes, on l'écoute alors jusqu'à la nausée, s'extasier sur les notes de Stravinski (ce "bad boy"), et déblatérer encore sur tous ces gens, comme s'il nous parlait en fait de ses copains...

Vous croyez que vous étiez cultivé(e)? Faites l'imbécile, souriez, et laissez-vous rapidement peloter les seins par cet écorché vif, qui vit pressé, qui vit nerveux, la tête dans ses projets, et les mains à la pâte.
Vous vous sentez misérable?
Il a beau dire, et que cette revue d'art est pédante et nulle, et citer tous les obscurs écrivains balkanais, ne vous laissez pas avoir: constatez. Ouvrez les yeux. Il a beau dire "Dieu c'est la faculté de débattre", résumer Nietzsche et avoir fait le tour de Heidegger, ou encore faire de la musique, ce n'est que poudre aux yeux et du bruit expérimental pourri. Le vin qu'il s'envoie dans son alcoolisme romantique, c'est de la piquette; et les toiles qui jonchent le sol, pour son "travail sur la matière", non seulement c'est moche, mais c'est transcendé en classe d'arts plastiques par n'importe quel petit curieux de quatrième.
Et, entre nous, ce serait vache de dire que s'il crée comme il baise, sa carrière ne sera que de courte durée. Contentons-nous de penser que pour un créateur, il étouffe sous les influences.

4.17.2009

L'Ex


L'ex, c'est un très vaste sujet, et selon nos histoires, une très vaste palette. Mais l'ex de la semaine est un homme animal, en rut, l'instinct exacerbé, avec la folie des grandeurs.
Tout d'abord, ce beau mec transcende les espaces pour aller retrouver son ancien amour jusqu'au fond des rades des quartiers les plus mal famés de Paris; même s'il s'y cache des clubs branchés, on peut dire déjà qu'il n'a peur de rien.
Il vit en osmose avec son corps, et ses attributs. Inutile de s'attarder sur ses membres saillants sous son tee-shirt moulant, remarquons joyeusement le pouvoir de son corps: il peut en effet pisser, non seulement au coin de la rue quand il est saoul, mais symboliquement: aux quatre coins de la pièce. Ainsi, telle une bête sauvage et sexy, il saute sur les rivaux potentiels (ou pas) de la femelle qui lui a échappé, et sans peur profère menaces et vérités vraies qu'il a le droit d'accuser.

"Tu la baise, hein" est le cri de l'animal désespéré qui surgit au milieu de la nuit, en en quelques bonds il effectue ainsi une petite danse tribale, qui forme un périmètre défini autour de la proie, et marque le territoire. Du pipi de mâle, une attitude de Papa, un tendre acharnement. Sauf qu'ici on est tous majeurs et vaccinés, sans bague au doigt non plus, alors ce petit jeu exotique est tout fait déplacé. Presque de mauvais goût même.

L'ex, lui, libre et inscouciant, s'en fout royalement; aucune tarte aux phallanges prodiguée par la victime (désertée des prétendants potentiels-ou pas) ne l'arrête, aucun discours ne le touche, seul son but le transporte. Loin.

Enfin, perfectionniste, il envoie un sms à 5h35. Petite cerise sur la gateau, cri du coeur de la jungle: un homme. Un vrai.

4.13.2009

L'asexué


Il y a bien des choses qui se situent largement au-delà d'une quelconque idée de beauté; autrement dit, même les moches baisent. Même les vieux, les ados boutonneux, les gros... Car bien heureusement, il faut de tout pour faire un monde.
Lui est loin d'être moche. Il a peut-être un physique atypique, néanmoins il pourrait avoir une gueule lambda et un autre petit corps que ça ne changerait pas grand-chose au problème. Nous, ses copains, on a tout essayé, du silence respectueux à la curiosité tolérante, mais au final ça revient quand même, surtout quand on le voit là, calme, posé, bourré, fonsdé: "mec, c'est quand que tu baises?". Ca se fait pas, mais en général à ce moment-là je rajoute, en aparté, "ça fait deux ans, là, non"?
L'asexué n'est donc pas puceau, vous l'avez compris. Il a fait l'amour, et pas qu'avec des pauvres meufs, pas qu'avec des thons, mais avec des filles cool, et avenantes, qui ont dû faire des pieds et des mains -et des reins par la suite, pour enfin se le taper. Cependant, à peine sorti de l'adolescence, période où les filles, curieuses, sacrifient beaucoup pour l'apprentissage et se montrent bien trop obligeantes parfois, ses aventures à lui sont devenues uniquement des nuits à coups uniques, qui ne se répètent jamais, ayant pour protagonistes essentiellement des étrangères. N'appelons pas vulgairement cela du tourisme sexuel, mais une saine aptitude à profiter de son accent français et ses euros économisés dans des pays pauvres et fascinés par l'Europe. Voilà, là sont les rares fois où l'asexué se sert de son sexe, ou en fait profiter d'autres que lui-même. Oui, parce que c'est l'idiote question que je me pose: pas s'il se branle, mais plutôt combien de fois par semaine, pardon, par jour.
L'asexué est bloqué dans un flou métaphysique; on a voulu se cotiser pour payer une meuf, à une soirée, pour qu'au moins elle lui roule des pelles; mais ça en revient à lui payer une pute. Le pire, c'est qu'il parvient à nous faire passer pour des bourrins nuls; il rougit, et, gêné, nous fait comprendre qu'il y a plus important dans la vie. Qu'il n'y a pas que ça. A demi-mots, sans rien nous expliquer de son attitude tout à fait marginale, il nous renvoie au vide existentiel qu'on se cache dans les flux et reflux des compagnies nocturnes. Comme quoi, c'est très vicieux de pas faire l'amour.

4.11.2009

Le Radin


On croyait que c'était la Dolce Vita, et l'on zigzaguait entre rive gauche et rive droite, heureux et insouciants. C'était le temps des débuts de l'amour, et l'ambiance était glamour, printemps oblige, petit short et grandes bottes de cuir; ne manquait plus que le trench. Disait-il. Être a.d. c'est tout un poème, une philosophie de vie, une éthique. La panoplie vie-ma-vie: vespa, jeune copine, chemise classe mais froissée, en mode rebelle, et du temps à perdre à se montrer en terrasse, Carreau du Temple, Place Monge, Chez Prune. Classique, décevant. C'est enivrant, la dolce vita; la fille se colle à lui au virage, l'on va vite, ou au contraire, l'on peut prendre le temps. Allons manger chez l'Italien; je connais le meilleur sushiman de Paris; tu n'en reviendras pas, de ce cheese-cake... Eveil des sens, on fait l'amour à l'aube, on se cherche la nuit, dors nue, je viens ce soir.
Qu'est-ce qu'on est libre quand on bosse dans la pub, je pensais. 
Il ne faut pas être stagiaire, cependant, quand on sort avec ce a.d.-là. Le vieux 45 tours de Christophe tournait, et on aurait pu penser que tout roulait, comme dans Tournez-Manège. Je croyais que j'avais rencontré l'amour, hélas, à chaque repas dégusté, à chaque panna cotta partagée, une fois le café enfilé...

On partage?

Le disque s'est rayé. Toujours la même musique. 
The end of la Dolce Vita: j'ai bien dû lui dire que mon porte-feuille ne suivait pas le doux rythme du tourbillon de la vie. Et qu'il était pingre. Il s'est enfui comme un chat, vexé comme un pou: heureusement que tout près était garée sa vespa.




Le Trop Cool



Quand on a un coup dans le nez, et qu'on s'amuse, tout peut arriver. La nuit, l'on parle à des gens que l'on ne regarderait même pas dans le métro; comme quoi, les clubs c'est les repas de famille des cyniques, ou les nouvelles colonies de vacances de la Mairie de Paris. Nous nous mélangeons, en sueur et au taquet, à des genres, des autres que ceux qui d'habitude nous entourent... C'est pourquoi l'on finit par avoir des potes étranges, et l'on claque en détours des bises absurdes, à des tas de gens, qui parfois même habitent en banlieue, ou portent la journée des Campers. On baisse un peu les yeux, on dit bonjour quand même.
Il y a donc ces mecs des zinc que l'on croise à peine, le temps de se frayer un chemin à coups, gentils, de sourires et de coudes. Il y a ce mec que je croisais tout le temps, qui se languit souvent sur un banquette velours du NY Club, l'air auto-suffisant et serein. Besoin de rien, envie de quoi. Il a donc l'air très cool. Il discute facile. Il a le look, le coco. Il n'est pas très beau, mais il s'arrange bien, avec des petites baskets made in Japan et des accessoires plastiques.
Le vrai problème, c'est les lunettes. On lui pique trop souvent et ça l'emmerde. C'est bien dommage. Il en a peut-être même vraiment perdu à des soirées, parce qu'il n'avait pas fait attention à ses affaires. Il y a des gens comme moi qui aiment avoir des souvenirs des fêtes. Le clan des filous. On est des salauds. Alors à cause de nous, ou pas, depuis il l'a mauvaise, avec ses lunettes, qui lui donnent pourtant l'air si cool. Très mauvaise. Et même quand il est saoul, et qu'on l'est tous, et qu'il veut bien rigoler un peu, le sujet des lunettes reste tabou, don't touch, non, ça le fait pas du tout rire. Il méprise sévèrement le comique de répétition.
On a donc pas le droit de se moquer. Alors que pourtant, c'est un scandale, ses lunettes: c'est des fausses. Son air d'intellectuel post-lacanien, sa monture plastique qui lui bouffe le visage, pour mieux lui en prêter prestance, c'est du délire. Curieuse, j'en cherche le verre: inexistant.

J'éclate de rire, et j'en rajoute, je veux passer mon doigt à travers les lunettes. Allez. Allez quoi. Le voilà blasé, dégoûté. Je suis très chiante. Apparemment, c'est du déjà-vu trop lassant, de se foutre de sa gueule.