12.06.2010

Le Sympathique

Le Sympathique n'est pas le mec sympa : nuance. Le mec sympa, il n'a que sa mièvre gentillesse pour le sauver de notre pire courroux. Alors que le Sympathique, c'est son bagou et sa gentillesse qui nous perd.

Le Sympathique plaît à tout le monde. Vraiment. Sans exception. A défaut d'avoir un QI de génie, ou une culture G improbable, il a un "capital sympathie". Toujours à son taux max de 100%. C'est son aura, cherchez pas, vous aurez beau sourire pareil, jamais, je dis bien jamais, vous ne pourrez l'égaler dans le sourire spontané, le tutoiement affectueux, la tournée de bière généreuse et le déhanché parfait. Bien dans ses pompes, c'est le cool ultime : sa coolitude est contagieuse. Avec lui, les gens se sentent mieux.


Le Sympathique a su dès son plus jeune âge capitaliser sa sympathie : on aura beau essayer de l'abandonner aux bords d'une soirée, croire qu'on connaît mieux le Tout-Paris et la Navarre aussi, il s'en sort ira toujours à taper la discut' avec mille gens qu'on aurait débilement snobés, ou timidement ignorés. Ça crève les yeux : qu'il soit abandonné dans son petit coin, accueilli chez des inconnus, ou présenté à notre tante pas sympa, elle, le résultat est le même : le Sympathique les a méticuleusement tous mis dans sa poche. Même le voisin de pallier qui est venu se plaindre du bruit...Oui. A la fin il dégainera, fier et serein, sa collection de numéros. Avec le nôtre. Roulée.

Zigzaguant à l'abri des galères, partout comme un poisson dans l'eau, le Sympathique est même sympa quand il file un clope à un chârclot. On appelle cela le zèle. Ses pires jours, son capital sympathie descend dans les 80% : en gros, il reste toujours plus cool que nous, sauf qu'il évite la méga tournée de bières.  Trop dur.

Les sourires, eux, persistent quoiqu'il arrive... A nous foutre de mauvais poil, à force. On dirait qu'il fait exprès, et on n'a pas tort : on l'aime, on l'acclame et il jubile, le sympa salaud. Nous, on continue de nous traîner notre 50% de sympathie (ça fait tâche), sauf quand on va à la banque, où l'on capitalise dans le sourire, et que ça marche moyen. 

Alors voilà.  On fait simplement partie de ses victimes : hyper sympa quand il drague, quand il baise,  quand il danse, quand il marche, le Sympathique, même quand il est indisponible, reste contre tous reproches ce mec cool avec qui on pourrait rester copine. Même s'il n'a pas daigné rappeler.

Jusqu'ici, tout va bien. Sans rancœur, surtout si tu débarques à 98% avec tes yeux enjoliveurs, ou que tu m'envoies encore un SMS 100% trop sympa.

Mais. 

(Évidemment, le mais. On n'est pas chez les Bisounours ici.)

Mais attention si vous restez insensible à ses charmes, ne serait-ce que deux heures, vous le verrez sans fards : le Sympathique est une putain de sangsue humaine. A force de le traîner à toutes les soirées, ce contorsionniste des sentiments et des situations, équilibriste du bon mot et du rire, à l'avoir présenté même à votre famille, (puisqu'il est tellement cool qu'il se coltine même les après-midi famille chez votre mamie Yeta) vous avez creusé votre tombe amoureuse, et maintenant c'est mort : il est invirable. Ses 100%, c'était un putain de CDI. Comment le larguer ? Il est toujours compréhensif, et surtout très malin... Ses arrières sont  bien assurés. Oui, tout le monde l'aime. Des doutes ? Demandez à votre frère, votre meilleure amie, votre ex, tous, sans exceptions, vous le diront : ce mec est mortel, charmant, hyper cool, bref, naturellement très sympathique. On se dit limite qu'il aurait pu donner un autre sens de l'Histoire, s'il avait connu Hitler. C'est foutu. Tout le monde l'adore.
Tout le monde sauf vous. Mais vous, vous êtes dans la mouise. Toutes les cases sont bien trop remplies : il plaît bien à votre père, et les copines font la queue, en attendant la fin du coup de cœur, baveuses. 
Ainsi, maître du jeu, le Sympathique a tout raflé : pour le quitter, faudrait être une nazie du sentiment, à ce stade. Surtout que depuis la semaine dernière, il taquine le ballon avec votre bande de meilleurs copains.

Ça en foutrait un bon coup à votre petit capital sympathie à vous, de le dégager sec. 

Dommage pour vous...Ou pour lui.

 Allez, souris chéri.