5.23.2011

Le Mec du Métro


Pour vous, les bobos et les pouffiasses intra muros, on sait bien que c'est un vieux souvenir, le métro, depuis la dolce vita en vespa parisienne. Mais n'empêche : souvenez-vous. La 2 aérienne, les changements interminables de Châtelet,  toute la banlieue R’n’B qui traîne aux Halles, les couloirs toujours plus sales de la rive droite, et toujours plus propres de la rive gauche... Même parmi les odeurs pestilentielles, il y a possibilité d’un état de grâce : magie des souterrains parisiens. Il y a pas que l'accordéoniste du samedi soir, caché à Strasbourg-Saint-Denis, qui joue du Tiersen pour nous faire rêver : il y a le Mec du Métro. Oui da.

En province, faites pas la gueule, y’a toujours les obscurs bus inter-départements et inter-villages. C'est pareil ! Transports en communs du monde entier, même combat.

Le Mec du Métro est partout. Et les banlieusardes du RER savent encore mieux de quoi on parle, puisqu'elles peuvent se vanter de le voir tous les jours si possible, même trajet - même wagon - même heure. Vie de merde en zone 3 peut-être, sauf que parfois la chance leur offre un trajet quotidien pour se rincer l’œil en paix et se perdre dans de beaux yeux inconnus et nouveaux.

Le Mec du Métro est l’inestimable bijou du wagon. Il nous rend définitivement la vie plus belle ; à travers les regards libidineux et sales des crados qui trainent leurs savates, tentant en chien d'effleurer nos doigts sur la rambarde, il est notre petit Christ à nous, ressuscité là dans le souterrain pour nous sauver la journée. Déjà, le Mec du Métro est beau. Beau, beau, beau. Face à lui, c'est nous le vieux dégueu libidineux, tellement on se perd en sa contemplation, tandis qu'il lit passionnément un livre de poche qu'on fait semblant de ne pas connaître pour mieux se rapprocher.

Puis le Mec du Métro est propre, et il sent bon. C'est donc une putain d’exception dans les services de la RATP. Si proche et pourtant si loin, tandis qu’on l’hume avidement, il nous ignore royalement du coin de l’œil. C'est sa petite singularité à lui : rarement il nous renvoie nos regards interrogateurs. Si jamais y’a réciprocité, le Mec du Métro s’évapore instantanément, le fantasme se brise et on se retrouve bêtement avec, en face de nous, juste un mec de plus dans le métro. C’est le principe magique : le Mec du Métro est simplement là pour nous foutre la rage et nous rappeler que si l’on plaît dans les couloirs de la 8, faut se calmer les chevilles : lui il s'en tape. Il préfère lire son Miller avec ses petites Veja un peu pourries et son petit look de petit cul parisien trop mignon. Et même si tous ses atomes sont (évidemment) tournés vers nous, plus orgueilleux tu meurs : le Mec du Métro ne laisse rien paraître, il sait qu’autrement, c’est sa fin mythique. Il garde la tête haute, le beau salaud.

A force de le mater en biais, mine de rien on s’affole : où va donc le Mec du Métro, tout propre comme ça, et bien sapé, et plongé dans sa dose de culture ? Mille questions, mille fantasmes, qu’est-ce qu’on attend pour se croire dans un film ricain et lui prendre la main, et l’emmener loin ? Heureusement, in extremis, notre snobisme conscient de parisienne reprend le dessus. Faut pas croire : on en a vu d’autres, des jolis minois, chez la Ratp. C’est pas quelques boucles noires qui vont nous faire perdre le nord. Faut pas déconner. Parce qu’avec lui y’a un hic fondamental, qui nous casse direct le délire et nous remet la culotte bien en place : le Mec du Métro n’a pas de scooter. Tout est dit, là, nan ? Si.

Allez bouge mec, je descends à la prochaine.



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