5.21.2009

Le Poilu

Cette semaine, nous n'allons évidemment pas nous éterniser sur nos braves soldats de la Grande Guerre. Il fait beau désormais en ce capricieux mois de mai, alors restons positifs. Le Poilu se remarque particulièrement à l'apparition des beaux jours: le col roulé n'intervient plus en sa faveur, et les légers cotons trahissent sa pilosité. Comme un effet surprenant d'illusion optique, le tissu semble flotter le long de son torse, caressant l'épiderme avec deux centimètres de marge. L'histoire qu'on a avec un Poilu, c'est un peu la même qu'avec la sodomie: à 15 ans on dit toutes beurk, à 30 on y est toutes passées. Car le Poilu est un homme pas comme les autres: camper dans l'ingratitude jusqu'à ce que meuf s'ensuive, il ne réveille véritablement son potentiel sexuel qu'après un certain âge ingrat. Le Poilu est donc une vraie bombe à retardement: une fois tous les poils sortis, attestant la jungle charnelle éprouvante, il est enfin temps d'en finir avec l'inquiétude de la pousse et de commencer à pleinement assumer. Restons prudentes cependant: ils restent sensibles. Ne les attaquez pas à coup de bande de cire froide, même s'ils en ont pleins le dos. D'ailleurs, la plupart n'ont rien d'un bronzé en terrasse à la blouse ouverte, au teint méditerranéen. Non. Farouches, ils sont palots, en chemise fermement boutonnée presque jusqu'au menton, espérant ainsi soit duper, soit dresser, les petits poils maudits.
On ne peut pas taire leur animalité. D'ailleurs, on ne se lasse pas de ressasser leurs tendres surnoms: loup, ours, gorille ou Shubaka pour les friands de référence pointue, le Poilu est donc obligé de refréner son instinct bestial pour créer un charmant décalage. On aime le Poilu quand il se fait timide, doux, discret sous la couche de poils.
Car il y a un grand romantisme dans le Poilu. Non seulement il est suave, mais s'il est du genre petite bestiole inaccessible qui s'échappe le matin, on peut retrouver nonchalamment des traces de lui, à défaut qu'elles soient dans notre boite vocale, dans notre lit. Ça fait femme actuelle, les longs poils noirs qui traînent au lit. Et collé sur la joue au réveil, ça fait comme un cil pour qu'on fasse des voeux. Un peu. Non?

5.12.2009

Le Lover

Il faut y aller en douceur. Le Lover, à peine entré dans la pièce, se fait préceder par une petite chanson. Vous devinez? La Ritournelle, de Tellier. Évidemment. La classe américaine, un peu. Vous croyiez quoi? Le Lover n'a pas peur du cliché, et il aime les mélodies douces, de Cat Power à Thom York, puis le Sud bleuté de la France, les après-midi de brumes et de pluies, et les boucles blondes négligées sur les fines nuques. Il aime aller au musée avec les filles, surtout au printemps quand elles portent de légères robes à pois, qui rivalisent de fraîcheur devant un Renoir. Il aime l'Art romantique, Goethe, et la photographie, aspirant à une insoumise liberté, tel un dandy. Quand il n'est pas coincé aux dîners de famille du dimanche midi, à l'Ouest de Paris. Mais ce n'est qu'un détail, car cet homme-là, il vous aimera sur un voilier, les mouettes chantant son amour aux alentours, les yeux dans le vent, la peau dorée, l'avenir prometteur. Aussi, il nage le crawl au ralenti. Est beau même avec un masque et un tuba. Skie avec élégance, et commande des plats légers et originaux au restaurant.
Enfin, il vous fera de beaux enfants, pleins de bleu soleil et de rires. Il aura la chemise entrouverte, le cheveux brillant et le sourire avenant, prêt à vous ouvrir ses doux bras, vous laissant aller sur ses larges épaules, solides rien que pour vous.
Il est heureusement un peu coquin. Mais avec élégance et érotisme de pacha: il aime les chevilles qui tiennent entre le pouce et l'index, les bas, les lingeries transparentes et sombres, et les râles rauques qui le rassurent au creux de son oreille. Il ne fait pas l'amour comme une brute, lui: il est puissant.
Il se fiancera, bien sûr. Le lover aime les vieux rituels; il n'a rien contre les noms composés d'ailleurs. Ainsi, soyez douce et sobre et de bonne famille pour le séduire. On n'est pas contre l'exotisme cependant, s'il est totalement assumé: mieux vaut un vrai dépaysement. C'est comme un voyage, des vacances, on préfère ça à un absurde mélange hybride type cocktail. Il aime les choses de qualité, n'oubliez pas. Soyez de qualité. Souriez légèrement, restez polie, buvez peu, manucurez vous les ongles.
Et soyez gentille avec Belle-Maman.


5.09.2009

Le Maladroit

Ça aide bien, la maladresse. Le Maladroit en profite donc. C'est le biais parfait qui évite de dire les grands mots. Il vous bouscule pour entrer dans le bar: il n'est pas goujat, mais maladroit. Ainsi, il quitte par sms, se fait rembourser un café, déclame son amour par chat, recouche avec son ex, ne ferme pas sa braguette, éjacule en trente secondes, et fait des fautes d'orthographe partout... C'est qu'il est ma-la-droit. Ce qui évite habilement de dire, au final: malheureux, rat, con, misérable, malotru, salaud.
Mais qui dit maladroit ne dit pas malhabile pour autant. Il ne fait jamais tomber son verre de bière, par exemple; il y tient bien trop pour cela. Et s'il se pardonne ses remarques hautement déplacées, il se souvient cependant en détail les réflexions qu'on a pu lui faire, à lui, par inadvertance. N'est pas bon maladroit qui veut.
Aussi, maladroitement, il ne se prive pas pour foutre la merde. Il balance qu'il a vu l'ex avec une putain de blonde. Oups. Qu'en vrai, la fille à qui tu parles, elle t'aime pas. Oups. Que t'as pas l'air bien en ce moment, alors que t'as un grand sourire et les yeux qui brillent. Oups. Que ses potes te trouvent moche... L'oups de trop. N'oublions pas qu'il ne dit jamais ce genre de choses pour vexer, ou faire réagir. Pas du tout. Élégant comme un éléphant, fin comme un serpent, et gentil comme une hyène, il ne souhaite que du bon à tout le monde. Et si 95% des fois ça ne marche pas, et qu'on a envie de lui foutre des baffes, tandis qu'il évite soigneusement de relever les yeux, c'est à cause de sa fichue maladresse. Il n'a donc pas à s'en excuser, puisque ce n'est pas de sa faute. Il ignore qu'entre sa maladresse et sa langue de pute, il n'y a qu'un lapsus.
Évidemment.
Non, ne pensez pas vengeance. Ou provocation. C'est mal.
Mais, maladroitement, vous pouvez lui cracher dessus, tiens. Ou éviter son appel. Ou bailler en lui parlant.

Maladroitement.

Le Classique

C'est comme pour l'hamburger. Et si tout n'était que de pénibles alternatives, vers lesquelles on se tourne, vainement? On sait pertinemment que le vrai, le mieux, le bon, c'est le Classique. Exit le bacon, et les faux-semblants, nous n'y échappons pas. Le mec classique est là partout, tout le temps et l'on fait semblant de l'ignorer. Alors que c'est la référence, dans le fond. Regardez les magazines: ils ne font que nous aider à nous en remettre, et le combattre, et le comprendre. Le mec classique, c'est celui qui dit "merci", le matin, après l'amour. Par exemple. Mais c'est aussi celui qui résiste à vous présenter à ses parents; c'est celui, encore, qui aime trop le foot et préfère passer des soirées avec ses copains, plutôt qu'avec vous. Celui qui tarde à vous emmenez en week-end, et regarde au restaurant par dessus votre épaule, pour mieux mater la petite serveuse. Ainsi, ce que l'on nous projette semble n'être que de piètres résolutions, ou d'implicites mots d'ordre, que l'on se file en secret pour savoir comment le gérer, ce mec-là. Si le ELLE titre tristement, à l'instar de toutes les autres revues, tous les ans, le spécial maigrir du printemps, c'est parce que le Classique ne manquera pas de vous pincer (il est taquin, de surcroît) les poignées d'amour, puis de vous faire les gros yeux qui culpabilisent face à votre fondant au chocolat.

C'est grâce à lui en revanche que l'on sait qu'il faut attendre les fameux trois jours avant d'espérer un coup de fil de sa part, ou que l'on pense que c'est gagné au bout de deux nuits de suite. C'est pour lui donc, tous ces stratagèmes inavouables, les feintes téléphoniques, et nos hauts talons.
Le monde tourne autour de lui, finalement. Cependant il faut admettre que ce serait un grand pas pour l'humanité s'il se faisait oublier un peu, se grattait les couilles moins en évidence le matin, et n'était pas aussi lourd bourré.
Mais, dès lors, de quoi parleraient nos magazines?
Merci, lui.