4.13.2009

L'asexué


Il y a bien des choses qui se situent largement au-delà d'une quelconque idée de beauté; autrement dit, même les moches baisent. Même les vieux, les ados boutonneux, les gros... Car bien heureusement, il faut de tout pour faire un monde.
Lui est loin d'être moche. Il a peut-être un physique atypique, néanmoins il pourrait avoir une gueule lambda et un autre petit corps que ça ne changerait pas grand-chose au problème. Nous, ses copains, on a tout essayé, du silence respectueux à la curiosité tolérante, mais au final ça revient quand même, surtout quand on le voit là, calme, posé, bourré, fonsdé: "mec, c'est quand que tu baises?". Ca se fait pas, mais en général à ce moment-là je rajoute, en aparté, "ça fait deux ans, là, non"?
L'asexué n'est donc pas puceau, vous l'avez compris. Il a fait l'amour, et pas qu'avec des pauvres meufs, pas qu'avec des thons, mais avec des filles cool, et avenantes, qui ont dû faire des pieds et des mains -et des reins par la suite, pour enfin se le taper. Cependant, à peine sorti de l'adolescence, période où les filles, curieuses, sacrifient beaucoup pour l'apprentissage et se montrent bien trop obligeantes parfois, ses aventures à lui sont devenues uniquement des nuits à coups uniques, qui ne se répètent jamais, ayant pour protagonistes essentiellement des étrangères. N'appelons pas vulgairement cela du tourisme sexuel, mais une saine aptitude à profiter de son accent français et ses euros économisés dans des pays pauvres et fascinés par l'Europe. Voilà, là sont les rares fois où l'asexué se sert de son sexe, ou en fait profiter d'autres que lui-même. Oui, parce que c'est l'idiote question que je me pose: pas s'il se branle, mais plutôt combien de fois par semaine, pardon, par jour.
L'asexué est bloqué dans un flou métaphysique; on a voulu se cotiser pour payer une meuf, à une soirée, pour qu'au moins elle lui roule des pelles; mais ça en revient à lui payer une pute. Le pire, c'est qu'il parvient à nous faire passer pour des bourrins nuls; il rougit, et, gêné, nous fait comprendre qu'il y a plus important dans la vie. Qu'il n'y a pas que ça. A demi-mots, sans rien nous expliquer de son attitude tout à fait marginale, il nous renvoie au vide existentiel qu'on se cache dans les flux et reflux des compagnies nocturnes. Comme quoi, c'est très vicieux de pas faire l'amour.