2.12.2014

Le Late Bloomer

Le quoi ?
Le late bloomer, oui oui, c'est lui, là-bas. Tu le grilles en train de faire profil bas, réservé, gentil, dans le genre bien élevé, tiens, il te paie même une mousse sans vouloir te parler pendant cent ans ensuite. Il n’est pas que dans la drague le late bloomer car, comme son nom l’indique aux esprits experts, il est dans la découverte. Il a 30 ans, tu crois, mais dans sa tête il en a 23 et dans son caleçon, 15. Le late bloomer, c'est ce mec qui s’est épanoui tardivement, ce qui lui confère une espèce de statut de pépite d’or, la mine, le truc précieux sur lequel le tout Paris n’est pas (encore) passé.

Toi, pendant que tu faisais des chats-bisous en CM2, lui ne voulait jamais jouer, trop timide, trop habitué à se taper les joues rouges et la honte dès qu’on l’approchait. En quatrième, t'aurais bien voulu sortir avec lui mais il décrochait pas de sa Nintendo 64 et n’a pas voulu te suivre dans les toilettes tellement c'était... "sans intérêt". Par dépit, tu t’es tapé son pote, t’as passé la moitié de ta classe de seconde à faire le tour du Var en moto avec lui, laissant cet autiste avec un balais sévèrement encastré loin derrière toi. Erreur.

Pendant que toi t’as commencé à vivre à fond ta jeunesse, faisant fi de ton acné en toutes situations, le late bloomer, lui, est resté là, dans son coin, comme l'eau qui dort, comme un petit plant de beuh qu’on a oublié au fond d’un placard avec une petite lumière certes faible, pourtant bien chauffante. Et en attendant de grandir, de perdre le galbe disgracieux de ses joues de poupon, le late bloomer a continué à fumer ses joints, ou jouer au foot, ou à devenir un expert en biologie, snobant les activités dignes de son âge, comme courir après les meufs, se branler 5 fois par jour et faire des conneries dans le lit de ses parents. Le late bloomer, sérieux, il a raté le premier train. Resté à quai, il n'a pas capté que la vie défilait, il n'a pas compris tout de suite l’engouement :

Quoi les meufs, quoi les boums, pourquoi faire un effort pour des pestes qui te testent..?

C'est sûr que c’est mieux les potes - plus prévisibles, et les pétards - toujours fidèles, ou encore le foot, plus revigorant. Bref, il ne s’est pas éclos tout de suite. Même que jusqu’au bac, on le trouvait encore un peu thon, franchement pas débrouillard, limite gay tellement il ne semblait pas comprendre les perches que les filles lui tendaient.

- Tu fais un truc après les cours ?
- Non, je rentre chez moi.
- Heu, okay...

(Mais c’est qu’il est con, ma parole.)


Non pas. Le late bloomer attendait en latence que le monde s'essouffle, que les mecs se lassent des salopes et que le filles en aient assez des salauds pour débarquer, propre du temps : joues (enfin) creusées, air innocent qui donne plus envie que mille regards revolver, passé peu encombrant sans trop d’ex à son actif et une libido d’ado à faire pâlir les plus chauds trentenaires. Sa bite est neuve, ou presque. Alors tu oublies les 50 amants qui vous séparent et tu plonges dans ses bras ravis.

Mais attention : dès que tu hausseras la voix, ça ne lui rappellera pas son ex, mais sa mère ; les gens, autour de vous, seront étrangement soulagés qu’il ait une meuf et tu seras "sa femme" même si ça ne fait que trois semaines. Puis, tu verras que le fait qu’il ait réussi la première fois à localiser ton clitoris n’était que poudre aux yeux. En vrai, il n’a aucune expérience avec les femmes, ne voit pas venir les questions de merde, pensant toujours que l'honnêteté est une qualité saine dans un couple. Ainsi, le late bloomer est capable de répondre "oui" à "Tu trouves pas que je suis grosse comme une patate ?" et ne peut pas s'empêcher de ricaner comme un sale gamin dès qu’on veut parler d’amour. Bref, avec la gente féminine et son profond manque d'expériences, il n’est pas au bout de ses peines, mais toi non plus, en même temps :  un jour, comme tout le monde, le late bloomer aussi aura envie d’aller faire un tour aux Chandelles, de tester Tinder, ou de se créer un bon drame en se tapant ta meilleure pote... Courage !