8.01.2011

Le Dossier de l'été


Qu'il s'appelle Raymond, Quentin, Mouloud ou Christophe, quand c'est l'été c'est l'heure des mecs "dossier". Le Dossier de l'été, c'est typiquement ce mec qu'on n'oublie pas au mois de septembre, mais uniquement parce que c'est un gros dossier. Dans le genre ghetto. Et honteux. Au final, on ne peut que songer à lui avec un souvenir nostalgique cruellement teinté d'effroi. A croire que les vapeurs de Monoï et les churros, ça drogue.

Le Dossier de l'été est un petit malin qui se cache un peu partout. C'est bien pour ça que chacune en possède un bien planqué dans ses tiroirs : le bronzé de derrière le poste de secours n°5 à Argeles-sur-mer, Lucien le néo-nazi Corse à Sagone, ce grand serveur marseillais quarantenaire chopé à La Baule, le Chinois à l'haleine de chacal au Bar Rouge de Shanghaï... c'est limite un porte-clef souvenir qu'on s'accroche à la conscience et qui nous serre le cœur à la rentrée. Tout ça pour se faire dérider les fesses sous un palmier. On en rigole, of course. Mais quand même : on donne pas mal de soi au Dossier de l'été, finalement. Car le Dossier de l'été incarne contre toute prévision le mec de l'horoscope, celui avec qui l'on est censées passer une nuit torride alors qu'alentour y'a que trois cagoles, Pépé et un blaireau posté sur un banc en train de boire du Redbull. Bah le voilà, notre Dossier de l'été. Il attend, sans se presser. Opportuniste, le mec : il sait qu'il arrivera quand même à nous faire tomber le bikini. Pas besoin du bac pour savoir ça. La preuve.

Mais pourquoi ? Franchement la question se pose, parce qu'en vrai, le reste de l'année, qui le pécho, avec ses tongs Vans, son allure de boloss des criques et son bouc mal fait ? Personne. Or la nature est bien faite : pour les mecs dossiers, on est là, vaillantes, prêtes à tout pour avoir autre chose qu'un souvenir de carte postale, prêtes à tout pour un sujet crousti à raconter aux copines à la rentrée.

Alors on ferme étrangement les yeux sur ses fautes de français, sa voiture tunée, ses potes débiles aux coupes en brosse, nos non-points communs, et à l'inverse de nos 15 ans on ne tombe pas amoureuse, cette fois. Parce que les temps ont changé : avant, on se tenait par la main, on bouffait une glace et on sentait nos premiers émois la nuit tombée, tous deux faces à la mer ; maintenant l'ambiance c'est plutôt camping-levrette derrière le poste 5, pour la pause déj'. Merci la vie, c'est beau les vacances.

La confusion entre désespoir et amour est impossible, et s'il n'est pas toujours net question hygiène, sa catégorie ne laisse, elle, pas de place au doute. Donc, le Dossier de l'été n'est en aucun cas l'amour de vacances. C'est sans appel : le mec dossier, on ne le ramène pas dans nos valises d'amour, on ne lui promet pas de lui écrire et même pire : on en a déjà honte passé le premier péage. Loin des yeux, près de la conscience.
Le Dossier de l'été, finalement, n'est rien d'autre qu'un concept de vacances, tout comme le panier qu'on amène à la plage, mais qu'on zappe à Paris. Derrière son humanité à QI d'huître, c'est juste un trip perso, une forte envie de poils, de bras solides et d'une autre odeur que les parfums fleuris de nos copines. Ainsi le Dossier de l'été est inévitable : comme les espadrilles du marché, tout les ans c'est rebelote. Mais n'empêche : faut pas se confondre, le Dossier de l'été, comme les espadrilles, ça se recycle pas l'été d'après. Ca s'ignore. Royalement. Parce que comme les espadrilles, il vieillit mal. Et les bermudas-tongs avec collier coquillage, à 38 ans, c'est vraiment plus possible. Ou pas.

Dossier !