7.27.2009

Le Berger

L'été, il faut parfois des alternatives à la plage en famille. Ou en couple. C'est pour ça qu'on adore les excursions. Si avant on trouvait que ça faisait beauf, les rando avec les chaussures horribles compensées, les gourdes, et les casquettes, désormais on admet la part d'exotisme et d'aventure de ces plans-là.
Alors on est équipé, et l'on monte les chemins escarpés des hauteurs de la Corse, à dos d'âne, ou de mule, prêts pour la rando, étincelants de crème. Et on l'aperçoit.
Le Berger des montagnes corses. Peut-être le dernier berger, un peu comme le dernier des Mohicans. Beau à tomber de son mulet, jeune, peut-être trop pour ne pas rougir de culpabilité à l'idée d'une culbute dans les foins, bronzé tel un caramel à croquer, il a un air de doux Jésus avec sa petite barbe blonde qui lui frise à peine les joues creuses, et avec ses courtes boucles dorées, qu'on lui donnerait le bon dieu sans confession, à cet ange des hauteurs.
Surtout sans confession, d'ailleurs.
Il monte à cheval comme un guerrier de l'empire du Soleil. Et malgré sa jeunesse, on sent bien dans ses mains, ses poignets, et à la façon dont il prend la corde, que c'est lui qui tient les rênes. Et pas de main morte.

Quand il sourit, bien que ce soit rare -le Berger de notre excursion en a vu d'autres (puis il monte une bête indomptable qui demande toute sa sérieuse attention)-, ses dents blanches et brillantes, qui contrastent tant avec sa peau, nous font penser à une petite tome de brebis toute fraîche qu'on a envie de manger...

Ce qu'il est nature, notre Berger.
À ses côtés, ça sent la garrigue et le maquis, ses vêtements de jean rêche poussiéreux frottent tel le vent, son accent est plein de soleil, mais surtout, surtout, on sait bien qu'avec lui c'est l'aventure. La vraie, quoi.
On peut se sentir en sécurité avec lui. N'importe où.
Sur une île déserte, par exemple.
Ou au bout des cimes des montagnes.
Ou même à dos d'âne, alors qu'on n'en a jamais fait.
On sent sur nous, et sur notre monture, postérieur reculé et dos courbé pour la descente, son doux regard vigilant, tandis qu'il crie "Hue ! Ha Hue !". Sexy.

Quel homme. On est subjugué. Alors on se risque...On demande quel âge a-t-il, ce démon de midi.

"Dix-sept ans."

Aïe. Attention la chute, et les ronces.

"Madame."

Étrange chose, que de se sentir vieux loup dans la bergerie.